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Avant-première québécoise de Composer les mondes

Comment sommes-nous arrivés à un dysfonctionnement si important de notre monde ?

Les scientifiques multiplient les cris d’alarmes sur les changements climatiques, la hausse des inégalités sociales et environnementales, le déclin de la biodiversité, la pollution et la contamination de l’environnement, la perturbation du cycle de l’eau douce, etc... La société civile et les jeunes sortent dans la rue pour demander une mobilisation de nos instances politiques sur ces enjeux.  Mais, quelles relations entretenons-nous avec notre environnement ? Quel est notre rôle en tant qu’humain ? Que cherchons-nous à défendre avec cette mobilisation ? Et comment les êtres autour de nous perçoivent leur environnement dont nous faisons partie ?

Ce sont des questions auxquelles Éliza Levy tente de répondre avec son film « Composer les mondes », diffusé le mardi 13 octobre dans le cadre du cours « Environnement, ontologie et politique » d’Ingrid Hall, professeure en anthropologie à l’UdeM, en collaboration avec le projet CLAD. La réalisatrice révèle une nouvelle facette de la mobilisation citoyenne pour la zone à défendre (ZAD) de Notre-Dame-des-Landes en France. Occupée depuis 2012 pour la sauvegarde de la forêt des Landes, la ZAD est devenue un milieu de vie qui incarne le futur, dans lequel l’environnement, le bocage et les animaux sont des parties prenantes et des personnes de la communauté. En filmant ce territoire et ses habitants et habitantes, Éliza Lévy met en lumière les différentes perspectives vécues par les humains et non-humains, en écho et en dialogue avec Philippe Descola, philosophe et anthropologue français. Ayant trouvé une inspiration dans ses travaux, la réalisatrice propose de mobiliser la pensée de cet auteur dans le territoire bien particulier de la ZAD. Dans son travail, celui-ci lance une réflexion sur la façon dont les humains composent leur monde, questionnant notre évolution en tant qu’humain et les rapports entre société et milieux de vie (Descola 2005[1], entretiens avec P. Charbonnier, 2014[2]). Cet auteur pose ainsi la question suivante : Et si la nature n’existait pas ?

Nous avons eu la chance de discuter avec la réalisatrice qui présente cette rencontre avec le philosophe et la réalisation de ce film comme un soulagement personnel et une bouffée d’espoir. Lorsque nous l’avons interrogé sur ses motivations, celle-ci nous a expliqué que la découverte de ses écrits lui a tout d’abord donné des clés de lecture de notre modernité et lui a ouvert un nombre de possibilités incroyables sur les façons de composer le(s) monde(s). Elle a voulu partager ses découvertes au plus grand nombre avec ce film à visée pédagogique. En effet, cette pensée offre la possibilité de pouvoir articuler le monde de façon « non-située » et le film est une nouvelle façon de partager cette vision en racontant l’expérience de la ZAD. Elle réalise alors tout un travail de mise en perspective, notamment avec des « caméras pièges » utilisées dans le film, qui permettent d’imaginer la vie des animaux, de montrer comment vivent des morceaux de territoire partagés entre humains et non-humains en donnant le point de vue d’un lieu, d’un arbre ou d’un triton. Cela ouvre l’imaginaire pour essayer de décaler le regard : qu’est-ce que l’on regarde si ce n’est pas la nature ? La documentariste parle aussi du travail important du son pour donner un état perceptif différent : comment écouter avec des oreilles non-humaines ? Elle réalise aussi l’ensemble des entrevues pour donner une voix aux humains qui vivent par et pour le bocage, la forêt et le triton, devenu emblématique dans la lutte.

Avec son histoire ancrée dans un territoire occidental, ses images et ses sons, le documentaire permet de questionner notre rapport sensible au territoire. Il fait cheminer notre réflexion sur la décolonisation de notre regard sur le monde, autrement dit, à une prise de conscience du surplomb envers la “nature” qu’a nourri la pensée moderne occidentale. Lors de la discussion avec Ingrid Hall, on comprend aussi que ce film permet de mettre en image comment l’anthropologie peut être utile pour l’écologie politique et y intégrant par exemple l’aspect social des animaux mais aussi en permettant de questionner nos manières de vivre par rapport à d’autres visions du monde (comme celle des Achuars).

Pour la communauté universitaire qui souhaite visionner le film, celui-ci est disponible sur le site de bibliothèque de l’UdeM pendant une année (possibilité d’utiliser l’outil de recherche Sofia).

Le film est aussi disponible sur la plateforme Tenk : https://www.tenk.ca/fr/documentaires/environnement/composer-les-mondes

Si vous souhaitez en apprendre plus, plusieurs entretiens avec la réalisatrice et le philosophe sont disponibles comme : https://lamanufacturedidees.org/2021/07/01/composer-les-mondes/

 


 

[1] Descola, P. (2005). Par-delà nature et culture (Vol. 1). Paris: Gallimard. En ligne : http://livre21.com/LIVREF/F38/F038018.pdf

[2] Philippe Descola, La composition des mondes. Entretiens avec Pierre Charbonnier, Paris, Flammarion, 2014, 384 p.,